



M’inspirant du mouvement supports/surfaces, je suis parti de la déconstruction du tableau en révélant ses constituants (châssis, toile, peinture).
Tout en sachant qu’un objet exposé est une représentation de lui même et devient une image, j’ai incorporé des signes peints, des objets et textures (couverts, nappes, tabourets) dans un dialogue intrinsèque entre l’image et la matérialité.
La table devient tableau et le tableau table dans son déplacement de l’horizontal (au moment du processus) a la verticale (à l’accrochage au mur).
L’image et la matérialité du support fonctionnent comme une tautologie.
Chaque jour, des millions d’images dessinent sur la toile le patchwork de l’histoire d’un monde en mouvement.
Comment appréhendons-nous ce patrimoine qui défile sous nos yeux à la vitesse où nos pouces l’effleurent ?
Que dit cette mosaïque du regard que nous posons sur le monde contemporain ?
Que retiendrions-nous de ce foisonnement d’images s’il nous fallait créer, à l’instar du message pictural embarqué dans la sonde spatiale Pioneer à destination d’éventuelles civilisations extraterrestres, une « bouteille à la mer interstellaire » censée raconter l’humanité d’aujourd’hui ?
C’est à l’aune de ces questionnements que Frédéric Rillardon a imaginé une œuvre composée de 365
mini tableaux de 6x8cm, comme autant d’écrans de smartphones donnant chacun à voir un moment d’un jour de la vie du monde. D’autres « pixels » de cette mosaïque sont des éclats de la plaque de Pioneer.
Les scènes présentées ne sont pas réinterprétées et gardent le nom des métadonnées du fichier référent.
Laurence CACAUD 2017
Taille variable 365 tableaux de 6 X 8 cm – aquarelle, feutres, crayons – 2016/2017
« Roman photo » 2008
« C’est en traversant la ville en voiture que s’est imposée à moi l’idée d’exploiter l’espace offert par les panneaux d’affichage pour générer un échange, mettre en scène un jeu de miroir et d’écho entre l’image, la ville et les citadins », dit Frédéric Rillardon
Ainsi est née la série « Roman photo »…
Libérés de tout slogan publicitaire et autre information municipale, les éléments de mobilier urbain y disparaissent derrière une photographie en trompe-l’œil, qui révèle le paysage auparavant obstrué, recréant ainsi le sentiment d’une perspective jusqu’alors masquée.
Dans un double mouvement presque paradoxal, l’image semble cesser de faire écran et réinvente ce qu’elle prétend dévoiler.
Disséminées dans la cité, ces images, peuplées de personnages, traceront un parcours sans début ni fin, laissant à chacun, au fil de ses déambulations, le soin d’inventer ou non une histoire les reliant les unes aux autres.
Laurence Cacaud
Fruits scannés et retravaillés à partir d’un logiciel photo. Formellement, les fruits font références aux touches de manettes des jeux vidéos.
Play it!
« Je me suis, dit l’initié, approché des confins de la mort, ayant foulé aux pieds le seuil de Proserpine; j’en suis revenu à travers tous les éléments. Ensuite j’ai vu paraître une lumière brillante, et me suis trouvé en présence des dieux. »
C'était là l'autopsie. L'apocalypse de Jean en est un exemple. Dupuis, Abr. de l'Origine de tous les cultes,1796, p. 502. . Démarche mystique qui (en partic. selon les Grecs) permettait de contempler les dieux et de participer à leur puissance .
Arnold BocklinSpectateur nécessairement anachronique d’œuvres créées plusieurs dizaines ou centaines d’années auparavant, mon attention fut captée, lors d’une visite au musée du Louvre, par la puissance des regards surgissant notamment de certains autoportraits.
Abolissant le temps et la distance, ils installaient entre eux et le visiteur que j’étais, ici et maintenant, un jeu de miroir faisant écho à la figure même du peintre, s’inspirant de son propre reflet pour mieux se représenter.
Nombre d’artistes ont, au fil des époques, utilisé l’autoportrait pour se dévoiler, se révéler, mais aussi se transformer, se déformer, se réinventer en se situant hors du temps.
M’inscrivant dans une démarche similaire, j’ai cherché à mon tour, en utilisant les outils numériques actuels, à entrer dans ce jeu de « ping pong » artistique entre regardant et regardé.
Je me suis, pour ce faire, photographié dans la posture exacte de modèles extraits de mon musée idéal de l’histoire de l’art, m’attachant à reproduire leur attitude et l’angle de la lumière, modifiant mon nez, mes joues, mes yeux, la forme de mon visage, pour les incarner avec le plus de précision possible, au point de pouvoir déposer ma peau virtuelle sur la leur et au final placer le miroir en miroir, en une sorte de mise en abyme infinie, me glissant ainsi picturalement dans la brèche du temps.
Entre acteur et spectateur, sujet et objet, hier et aujourd’hui, soi et l’autre, les limites s’estompaient ainsi, au profit d’un continuum troublant…
Frédéric Rillardon 2006
S’il évolue toujours au gré de la variation des saisons, de la luminosité et des conditions climatiques, le paysage, façonné par l’action de l’homme, modelé par sa main et marqué de son empreinte, est finalement devenu, au fil du temps, plus culturel que naturel.
Désireux de matérialiser ce passage d’une nature originelle à un environnement profondément transformé par l’intervention humaine, Frédéric Rillardon a choisi,
pour donner libre cours à sa vision du paysage en 2017, d’utiliser la machine à coudre, envisagée comme processus à la fois de la mécanisation du travail (moteur de la création des paysages agro-industriels) et de la volonté de l’homme de « dompter » la nature pour répondre à ses besoins.
Dans ce travail, créations originales et tableaux inspirés d’œuvres marquantes de l’histoire de l’art se côtoient, pour dessiner un panorama mettant en lumière l’évolution du rôle et de la place de l’homme dans le paysage.
Sur une reproduction des scènes pastorales de Millet, chinée dans les brocantes, Frédéric Rillardon en redessine mécaniquement les sillons à l’aide de sa machine à coudre et, métamorphosant les champs de l’Angélus en stade de football, nous présente une société dans laquelle le sport, l’argent et le chronomètre tiennent désormais lieu de religion, tandis que les populations peinent à se nourrir. Le paysage devenu terrain de jeu…
Le regard qu’il pose sur Les Glaneuses est quasiment scientifique, émaillant le tableau de focus circulaires faisant écho à une vision microscopique du monde et aux boîtes de Petri utilisées pour la mise en culture de micro-organismes, qui esquissent d’autres paysages et dessinent les nouveaux horizons du déploiement de notre savoir-faire technique.
Par le jeu de la mécanisation, Les meules de Monet se muent quant à elles en balles de foin, dans des scènes dont la lumière et la composition demeurent toutefois fidèles à la recherche esthétique initiale du peintre de Giverny.
De même, la parcelle de colza rectiligne filant jusqu’à l’horizon n’est pas sans évoquer le Champ de blé aux corbeaux de Van Gogh, dans une version rationalisée, domestiquée, moins brute et tourmentée, dénuée de toute présence animale « nuisible ».
Plus loin, Frédéric Rillardon met en scène des environnements paysagers dans lesquels l’action et la présence humaine sont paradoxalement d’autant plus visibles qu’elles sont « gommées », découpées sur fond blanc, tout comme les alignements de croix, clin d’œil à la thématique de la vanité et de la nature morte, symbole ultime du lien unissant l’homme à la terre.
Filant la métaphore couturière, l’artiste tente enfin, dans un dernier élan, de « raccommoder » nature et culture, en usant de ses fils pour recoudre un tableau déchiré…
Laurence Cacaud 2017
40×30 cm Couture machine, acrylique
« Petri plate » Des Glaneuses de J.F Millet
50×70 cm
coutures à la machine sur une reproduction Des Glaneuses de J.F Millet
Couture à la machine, peinture, photo transfert
48×40 cm
Couture à la machine sur Ready made peinture,
30x 40 cm
Depuis le néolithique, les relations entre les sociétés humaines et la nature qui les entoure sont placées sous le signe d’une volonté permanente de maîtrise, de domination.
Devenus, grâce aux progrès des sciences et des techniques, « comme maîtres et possesseurs de la nature », pour reprendre la formule chère à Descartes, les hommes n’ont eu de cesse de poursuivre leur rêve de toute-puissance, au point que la tentation est grande aujourd’hui d’utiliser les possibilités offertes par les biotechnologies pour aller vers un « homme augmenté », un sur-humain aux potentialités décuplées.
Sans relâche, l’homme a travaillé à s’extraire de la nature, pour la surplomber avec une certaine arrogance.
Symbole de cet homme pressé et dominateur, l’automobiliste n’entretient avec la nature qu’une relation lointaine et utilitariste. Seuls les panneaux routiers lui rappellent occasionnellement la présence alentours d’animaux, sauvages ou domestiques, avec lesquels une « rencontre » fortuite pourrait être dommageable. Nature: attention, danger !
Dans cette série, à mi-chemin entre le trophée de chasse et le portrait l’homme est placé sous le regard interrogateur de cette nature qu’il n’a cessé de mettre à distance, jusqu’à oublier qu’il en faisait partie intégrante.
En redonnant aux animaux stylisés sur les panneaux routiers une identité, une singularité, en les faisant passer du noir à la couleur, pour ne pas dire de l’ombre à la lumière, Frédéric Rillardon a souhaité inviter à une réflexion sur les risques de « sortie de route » auxquels l’humanité s’expose en poursuivant inlassablement sa quête de performance…
Laurence CACAUD 2017
Couleurs à l’huile diluable à l’eau sur panneaux routier dimensions variables
Femmes sans visage, réduites à un corps érotisé, dévoilé par la transparence faussement couvrante de la dentelle…
Femmes sans regard, sans autre identité que le prénom choisi par l’artiste pour intituler l’œuvre produite…
Frédéric Rillardon nous livre, avec Moucharabieh, une série de toiles qui, réinterprétant les codes de la publicité, nous invitent à une réflexion sur la perception et la représentation du corps féminin dans les sociétés modernes.
Bien loin des standards de la Grèce antique, dans lesquels la beauté physique figurait celle de l’esprit, de la Vénus du Titien, tout en langueur et en sensualité, de la nudité voluptueuse et impudique de l’Odalisque de Boucher ou de l’audacieuse Origine du monde de Courbet, il met en scène un corps féminin devenu objet : objet publicitaire, objet de revendication, que l’on exhibe ou que l’on dissimule.
L’utilisation d’un support tendu de dentelle, sur lequel il applique une peinture acrylique, lui permet de créer des effets de matière révélant les vides et les pleins d’une étoffe qui cache et révèle, voile et dévoile, à l’image d’une société qui, tout en magnifiant le corps, l’instrumentalise.
Ces toiles nous renvoient l’image d’un monde bipolaire, qui tantôt couvre le corps féminin jusqu’à l’effacer, tantôt utilise la nudité à des fins mercantiles en l’hypersexualisant.
Dans tous les cas, cela interroge le regard posé sur la place des femmes dans la société et soulève une certaine ambiguïté, y compris peut-être dans la démarche même de l’artiste, qui entend dénoncer une tendance dont il utilise pourtant les codes
Laurence Cacaud
exposition a l’Orangerie jardin de l’évêché – Limoges.1997